jeudi 30 avril 2015

L’autoportrait vaniteux II

Mardi 14 avril: Clic-clac.
Donc…

  • une journée de construction métallique
  • deux journées de préparation au laboratoire pour la fabrication des plaques photographiques
  • dix heures de montage et deux de tests optiques & chimiques
  • une équipe de trois personnes pour me seconder
  • un kilo de bourguignon, des pâtes et un bocal d’ail des ours pour les ventres
20h: C’est parti!


cyrilvue

Première étape, mise au point et vérification du rapport 1/1. Sur la corde qui servira à me pendre, est fixée une règle millimétrée; on vérifie que les centimètres sur l’image projetée soient à la bonne taille, ensuite que les détails tout au long de la corde soient bien visibles.

Trop de monde me tourne autour, allez manger! Merci…
Du calme pour les essais de lumière, afin de définir le temps de pause. Verdict: 8 secondes à f16.

Tout est prêt, les dernières instructions données, les dix plaques photographiques montées sur le support, protégées par une épaisse bâche, je me ficelle les pieds en haut de l’échelle, c’est d’un pratique!
Suspendu par les pieds, les deux malléoles se compressent, pas très confortable. J’avance ou recule, en fonction des directives de Jonathan pour faire la mise au point. Le filtre rouge est installé devant l’objectif, la bâche enlevée… 3, 2, 1 GO! C’est long 8 secondes sans bouger, suspendu par les pieds encore plus. Vient le moment du flash… qui ne se déclenche pas: Emmanuel est obligé de sortir et d’appuyer manuellement sur le bouton. Plus de 20 secondes de prise de vue, j’ai des doutes sur le résultat.

Démontage.
Fin à 4h du matin.

Le développement se fait en lumière rouge, les plaques n’étant sensibles qu’aux UV et au bleu, on voit l’image apparaitre comme dans le développement du papier, mais il est difficile de déterminer le temps exact pour atteindre la densité voulue. Une plaque supplémentaire est prévue pour le test. 5 minutes… trop court, alors ce sera 7.

Tout de suite, je vois que la photographie a toutes les qualités d’un raté: double image, floue et d’une composition des plus douteuses… Bon, à une époque où l’on peut prendre une dizaine d’images par seconde, trois jours pour un deuxième clic ne me paraissent pas excessifs!


Dimanche 19 avril: Clic 2

Un équipe plus restreinte, un nouveau lieu, proche de mon labo, un autre montage optique qui oblige à faire deux prises de vue, cinq plaques au lieu de 10, mais les gestes sont plus précis, ils commencent à être rodés. Tout va plus vite! Anastasia propose de me monter plutôt que de faire l’exercice de l’échelle, c’est mieux! Clic, de 8 secondes à f16
Cette image mérite d’être tirée!
Elle n’est pas parfaite, des zones d’ombre, le piqué qui n’est pas à la hauteur de mes attentes et surtout la posture, qui donne l’impression que je fais du Yoga.
Donc… jamais deux sans trois.



Mardi 21 avril: Clic 3
Cette fois, tout roule, la prise de vue se fait en trois fois (tête et buste/centre/jambes et pieds). Je reste 20 minutes saucissonné, c’est presque confortable! J’ai prévu une deuxième série de plaques, mais la concentration n’est plus suffisante.
Développement un peu anxieux. Et…. elle est bonne! Ouf! Dans la foulée je tire une épreuve de travail.



Dans le bleu du fer

Le cyanotype est certainement le procédé photographique le plus simple à mettre en oeuvre et le moins toxique, vous pouvez facilement le réaliser avec vos bambins. Le principe est simple, c’est un procédé par contact, la chimie n’étant sensible qu’aux UV, le négatif doit donc faire la taille de l’image finale. Toutes les opérations se font en lumière blanche.
Au pinceau, on étend la solution sur une feuille de papier jusqu’à absorption complète. Ha oui, le papier… C’est la croix et la bannière pour trouver un papier acide et de bonne qualité. Contrairement aux techniques traditionnelles, qui supportent la couche sensible dans une épaisseur de gélatine en surface, l’image bleue du cyanotype est physiquement dans le papier .
La feuille complètement séchée est plaquée contre le négatif dans un châssis-presse, une sorte de carde  robuste avec un dos facilement démontable. Et hop! au four, enfin dans l’insoleuse, la boite à lumière noire, pour quelques minutes. À la sortie, magie, d’une couleur jaune paille en entrant, c’est toute une nuance de bleus qui sort de la cabine de bronzage.
Le développement se fait simplement à l’eau acidifiée.Une fois le séchage terminé, quelques corrections sont faites au crayon aquarelle (bleu de Prusse ou blanc, forcément!).



 Verdict

Je suis finalement accroché sur papier et par les pieds dans la vitrine des Halles, cinq mouches vont éclore et me tiendront compagnie durant le mois de mai. Les premiers passants s’arrêtent, me regardent, rient, se moquent ou s’interrogent. Plus tard lors du vernissage, les amateurs d’art feront des liens et tisseront des idées. Elle fonctionne cette pièce!


cyriltirage



Remerciement très spéciaux à Jonathan Delachaux qui a officié à ma place durant les prises de vue et sans qui cet autoportrait ne serait pas ce qu’il est et à Anastasia Saltet pour sa patience et son coup de poignet pour me faire grimper au plafond, à Jean-Claude Mougin, pour les conseils avisés, à Zoé Cappon, à Emanuel Hungrecker et à tous ceux qui me supportent, d’une manière ou d’une autre… Et aussi merci aux rires, à mes doutes et mes coups de nerfs qui me font rappeler que nous sommes bien vivants.

Pour plus d’informations sur les techniques:

www.mikeware.co.uk  est un chimiste spécialisé dans quelques anciennes techniques


www.disactis.com un forum en français et une boutique

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